Quand Rolex parle au nom d’un pays: retour sur la baisse des tarifs américains de 39% à 15%

5 déc. 2025

Il existe des histoires qui semblent inventées tant elles bousculent les frontières entre économie, politique et symbolique. Celle qui relie Rolex, Donald Trump et une réduction massive des tarifs douaniers américains en fait partie.
Pendant plusieurs semaines, un bras de fer commercial menaçait l’industrie horlogère suisse. Puis, dans un enchaînement improbable d’événements, les discussions se sont déplacées des ministères vers… les gradins de l’US Open et un bureau de la Maison-Blanche.

Cette histoire n’est pas seulement un épisode discret de la diplomatie économique moderne. C’est un signal clair: certaines marques ont tellement de poids qu’elles ne négocient plus seulement pour elles-mêmes, mais pour des secteurs entiers.
Pour la Suisse, Rolex n’est pas juste un logo; c’est devenu un outil d’influence internationale.

Voici comment une marque d’horlogerie est parvenue à réduire un tarif douanier américain de 39% à 15%, et pourquoi cet épisode marque un tournant dans la compréhension du rôle géopolitique des entreprises.

I. Un contexte explosif: la menace des 39%

Quand l’administration américaine annonce l’introduction d’un tarif de 39% sur certaines importations d’horlogerie suisse, l’effet est immédiat: panique silencieuse dans les vallées du Jura, agitation dans les sièges des grandes marques, effervescence dans les fédérations professionnelles.

Car derrière le vernis luxueux, l’horlogerie suisse est un secteur extrêmement sensible aux décisions politiques.
L’industrie exporte plus de 95% de sa production. Le marché américain représente environ un quart de ces exportations.
Autrement dit, une hausse brutale des droits de douane peut:

  • renchérir automatiquement les prix en boutique,

  • réduire la demande,

  • pousser les consommateurs vers le marché gris,

  • fragiliser des centaines de sous-traitants,

  • et générer des pertes majeures pour des marques qui, malgré leur prestige, fonctionnent avec des logiques industrielles très serrées.

Dans la plupart des secteurs, une telle situation donnerait lieu à des interventions classiques: notes diplomatiques, réunions bilatérales, lobbying des fédérations.
Tout cela a été tenté.
Rien n’avançait.

Et c’est là que Rolex entre en scène, non pas par volonté de supplanter les autorités, mais parce qu’une porte inattendue s’est ouverte.

II. L’US Open: un court de tennis devient un espace diplomatique

Dans le monde du luxe, les invitations à des événements prestigieux sont monnaie courante. L’US Open fait partie de ces rendez-vous où les cercles économiques et politiques se croisent. Rolex y est sponsor majeur, partenaire privilégié, et surtout, hôte influent.

Lorsque Donald Trump est invité à assister au tournoi, l’idée n’est pas encore de discuter douanes et commerce international.
Mais Trump reste Trump: sensible aux marques iconiques, amateur de symboles et de reconnaissance personnelle.
Un rapprochement s’opère.
Le CEO de Rolex est présent. Les échanges sont cordiaux, presque légers. Rien qui ressemble à une négociation.

Pourtant, dans le monde des relations internationales, les premiers pas ressemblent souvent à cela: un sourire, un geste, une opportunité.

Trump, flatté, renvoie l’invitation: “Passez à la Maison-Blanche.”

Pour Rolex, ce n’est pas une simple visite.
C’est une porte béante qui mène au centre névralgique du pouvoir américain.

III. La Maison-Blanche et l’horloge: un cadeau loin d’être anodin

Lors de la visite officielle, le CEO offre à Donald Trump une horloge de bureau Rolex.
Le geste pourrait passer pour une tradition: les dirigeants du monde entier apportent des cadeaux lors des rencontres officielles.
Mais celui-ci possède plusieurs niveaux de lecture:

  1. C’est un symbole national.
    En offrant un objet d’horlogerie mécanique suisse, c’est tout un pays qui s’invite dans le Bureau ovale.

  2. C’est une mise en scène de précision et de fiabilité.
    Deux attributs que la Suisse utilise depuis des décennies comme soft power.

  3. C’est un rappel visuel permanent.
    Posée dans un bureau, une horloge marque le temps. Elle incarne la régularité, la continuité et la présence symbolique de celui qui l’a offerte.

Trump, qui fonctionne beaucoup à l’affect et à l’image, apprécie le geste.
Le contact personnel s’établit.
Le climat devient propice à des discussions que les diplomates, eux, n’arrivaient pas à débloquer depuis des mois.

IV. Des discussions répétées, un enjeu colossal

Les échanges entre l’administration américaine et la direction de Rolex se multiplient.
Pas autour d’un dîner secret, mais à travers un processus entier de communication, de notes, de dossiers expliqués avec pédagogie, et de conversations qui, parce qu’elles impliquent une marque que Trump estime, trouvent une oreille plus attentive.

Ce que Rolex explique, c’est simple et redoutablement efficace:

  • les tarifs ne menacent pas seulement Rolex,

  • ils affaiblissent toute l’industrie suisse,

  • ils perturbent un marché américain prospère,

  • ils créent un déséquilibre commercial inutile,

  • ils touchent la classe moyenne américaine acheteuse de montres entrée de gamme,

  • ils poussent les consommateurs vers des circuits non contrôlés,

  • ils créent un précédent dangereux pour d’autres secteurs.

Mais Rolex amène aussi un argument que d’autres acteurs avaient du mal à faire entendre:

Si les États-Unis frappent trop fort l’industrie horlogère suisse, ils fragilisent une filière considérée comme patrimoine national et vecteur de stabilité européenne.

Trump n’est pas insensible à l’idée de préserver un allié, tout en envoyant un message de fermeté raisonnable.

V. La décision finale: 39% deviennent 15%

Après plusieurs semaines de discussions, les tarifs sont revus.
De 39%, ils passent à 15%.

Ce n’est pas une suppression totale, mais c’est une victoire écrasante pour le secteur suisse.
Une réduction de plus de la moitié.
Un geste politique fort, qui sauve des centaines de millions de francs suisses d’exportations potentielles.

Pour l’administration américaine, le compromis permet:

  • de préserver l’image d’une politique commerciale ferme,

  • tout en montrant une certaine flexibilité,

  • et en validant la relation personnelle avec Rolex.

Pour la Suisse, c’est une respiration.
Pour l’industrie horlogère, c’est un repositionnement stratégique.
Pour Rolex, c’est une démonstration de puissance douce à l’échelle internationale.

VI. Pourquoi Rolex a réussi là où les États échouent parfois

Cette question mérite d’être posée.
Pourquoi une entreprise privée parvient-elle à obtenir un résultat que des organismes étatiques peinaient à décrocher ?

La réponse tient en plusieurs points :

1. Rolex est une marque, pas un état.

Un président se méfie parfois des diplomates, rarement d'une marque iconique qui incarne l'excellence.

2. L’image de Rolex parle la langue de Trump.

Prestige, réussite, visibilité internationale: ce sont des codes auxquels il est très réceptif.

3. Rolex n'est pas perçue comme un lobby mais comme une institution.

Elle ne représente pas seulement ses propres intérêts, mais une vision plus large de la précision suisse.

4. La marque a une capacité unique de simplifier des enjeux techniques.

Là où les rapports officiels noient les décisions sous les chiffres, Rolex transforme les problématiques en récits pédagogiques.

5. Le soft power suisse est un multiplicateur.

Rolex est un ambassadeur crédible de la Suisse, un pays ayant une longue tradition de neutralité et de qualité.

VII. Quand une marque négocie au nom d’un secteur entier

L’enseignement majeur de cet épisode est simple:
Rolex n’a pas négocié pour Rolex. Rolex a négocié pour la Suisse.

C’est une situation rare dans l’histoire économique.
On peut citer quelques équivalents:

  • Apple influençant les discussions sur la taxation numérique,

  • Toyota discutant des normes antipollution japonaises et américaines,

  • LVMH représentant parfois la France sur le marché du luxe.

Mais Rolex va plus loin.
Parce que l’horlogerie suisse est un pilier identitaire, la marque devient presque une extension non-officielle du gouvernement.

Le parallèle est clair:

La diplomatie suisse travaille à défendre son industrie.
Rolex, elle, incarne cette industrie.

Quand la marque parle, elle parle au nom:

  • des manufactures du Jura,

  • des artisans du Val-de-Travers,

  • des sous-traitants qui produisent le moindre ressort,

  • des marques qui n’ont pas la même force symbolique,

  • des détaillants américains qui dépendent d'une stabilité des prix.

En réduisant les tarifs douaniers, Rolex a littéralement protégé des milliers d’emplois.

VIII. Un tournant dans la perception du rôle des entreprises

Nous vivons une époque où certaines entreprises disposent d’un pouvoir d’influence supérieur à celui de certains États.
Cet épisode en est une illustration parfaite.

1. Les marques possèdent désormais un soft power réel.

Elles véhiculent une image, des valeurs, une identité nationale.
Rolex est perçue comme la Suisse elle-même.

2. Les dirigeants politiques s'appuient sur ces symboles.

Pour Trump, être associé à Rolex est valorisant, presque autant que l’être à une nation.

3. Les industries fragmentées ont besoin de porte-voix puissants.

La Fédération Horlogère Suisse ne pouvait pas faire ce que Rolex a fait: créer une relation personnelle.

4. La mondialisation redéfinit les rôles.

Dans un monde interconnecté, les marques ne sont plus de simples acteurs économiques: elles deviennent des interlocuteurs diplomatiques.

IX. Un récit exemplaire pour comprendre le futur du luxe

Le luxe n’est pas qu’un marché.
C’est une langue.
Une architecture de symboles capable d’ouvrir des portes que les gouvernements peinent parfois à pousser.

Rolex a montré que:

  • la confiance est une monnaie,

  • la réputation est un levier politique,

  • la précision peut devenir une métaphore nationale,

  • et le prestige peut abolir des barrières douanières.

Cette histoire n’est pas seulement "belle".
Elle est stratégique.

Elle prouve que lorsqu’une marque atteint un certain niveau d’aura, elle devient quasiment un acteur étatique.
Elle peut infléchir une décision qui impacte un secteur tout entier, parfois un pays entier.

X. Conclusion: Rolex comme puissance douce suisse

La réduction des tarifs américains de 39% à 15% n’est pas un détail administratif.
C’est un moment où la frontière entre le privé et le politique a été redessinée.

Rolex a joué un rôle que l’on attribue normalement à:

  • un ministère du commerce,

  • une ambassade,

  • ou une organisation internationale.

En négociant directement avec l’administration américaine, la marque a assumé une mission diplomatique informelle.

Ce n’est pas un excès de langage de dire que Rolex a parlé au nom de la Suisse.
Et qu’elle a été entendue.

Dans un monde où l’image vaut parfois autant que la puissance économique, cet épisode est un rappel puissant:
certaines marques ne représentent plus seulement leur entreprise. Elles représentent des nations entières.

Et dans cette histoire, une horloge de bureau posée dans le Bureau ovale a probablement pesé plus lourd que bien des dossiers officiels.